Le Collectif Golem soutient le Nouveau Front Populaire (NFP). Face à l'explosion des actes antisémites en France, nous demandons des mesures concrètes du NFP. Critiquer la politique israélienne et soutenir les Palestiniens est essentiel, mais cette critique doit éviter toute confusion préjudiciable aux Juif.ves français.es. Il est inadmissible que notre sécurité dépende de la situation au Moyen-Orient.
Voici nos demandes spécifiques aux élu.es :
Employer un vocabulaire clair et précis : Clarifier ou éviter les termes ambigus comme "sioniste" qui alimentent les amalgames.
Reconnaître que le Hamas est une organisation antisémite et clarifier qui est désigné par "Résistance Palestinienne" dans les prises de paroles publiques pour éviter les ambiguïtés.
Refuser la mise en opposition des luttes : Ne pas opposer la lutte contre l’antisémitisme à d’autres causes comme la lutte contre islamophobie ou le soutien aux Palestiniens.
Lutter contre l’antisémitisme d’où qu’il vienne : Traiter sérieusement les accusations d’antisémitisme, même quand elles concernent la gauche.
Combattre les préjugés et les accusations infondées : Rejeter les accusations infondées de double allégeance envers les politicien.ne.s et citoyen.nes juif.ves français.es et éviter de propager des informations non vérifiées.
Encourager le dialogue intercommunautaire : Créer des ponts entre les communautés par des événements visant à promouvoir la compréhension mutuelle.
Défendre un plan de lutte contre l’antisémitisme : Mettre en œuvre des programmes éducatifs et des formations spécifiques pour les élu.es, les administrations, et les forces de l'ordre.
Nous, militant·es juif.ves et allié·es de gauche, antiracistes et antifascistes, affirmons que nous sommes soulagé·es par la victoire du Nouveau Front Populaire (NFP) aux élections législatives. Nous soutenons pleinement les efforts du NFP pour lutter contre toutes les discriminations, et pour faire barrage à l’extrême droite.
Nous saluons le NFP pour les différentes chartes contre l’antisémitisme proposées par ses partis membres, qui incluent univoquement la condamnation ferme de l'antisémitisme, la sécurité des lieux de culte, la formation des jeunes et des élu.es, ainsi que des plans de lutte contre les discriminations. Nous pensons qu’il est crucial de renforcer ces chartes par des clarifications afin de dissiper la crise de confiance qui nous touche à gauche sur cette question.
Nous restons profondément préoccupé·es par les tentatives de récupération de l'extrême droite qui instrumentalisent les failles de la gauche, cherchant à l’affaiblir, alors même que ce parti reste le premier danger pour toutes les minorités de France. Ces tentatives contribuent aux logiques de division et d'opposition entre les communautés. Aujourd’hui, le NFP a une opportunité unique et le devoir de réconcilier les communautés autour d'un projet fédérateur social et écologique, en soignant les plaies et en créant un espace politique inclusif et solidaire.
Cette charte, bien que centrée sur l’antisémitisme, a vocation à s’inscrire dans un combat antiraciste global, incluant des mesures contre tous les racismes et discriminations. Chaque racisme a ses spécificités, et il est crucial de les aborder de manière cohérente. Néanmoins, nous nous concentrerons ici sur l’antisémitisme, domaine sur lequel nous estimons pouvoir apporter une contribution pertinente.
La préoccupation des Juif·ves français·es ne résulte pas uniquement de formes explicites de haine dirigées contre eux. Si récemment, des slogans tels que "mort aux Juifs" lors de manifestations et des croix gammées dans les espaces publics ont été observés, d'autres discours plus subtils gagnent la sphère publique et sont vécus comme hostiles par les Juif·ves.
Un exemple est l’utilisation fréquente et ambiguë du mot "sioniste". Ce terme est ambivalent, sa définition variant selon l'émetteur et le récepteur. En effet, selon une étude de l'IFOP (2014), 25% des Français·e·s considèrent le sionisme comme “une organisation visant à influencer le monde au profit des Juif.ves”, véhiculant ainsi une connotation complotiste, tandis que 46% le voient comme “l'idéologie revendiquant l'existence de l'État d'Israël”.
Malgré cette ambivalence, l'utilisation du terme "sioniste" est devenue omniprésente dans les discours politiques et militants :
“Sionistes hors de nos facs”, “A bas les sionistes”, “1 sioniste = 1 balle”, “Nique un facho, Nique un sioniste” sont des slogans que nous avons vus ou entendus lors de manifestations.
Certain.es élu.es et représentant.es de partis utilisent le mot “sioniste” pour qualifier indifféremment des élu.es juif.ves, des bombes de l’armée israélienne (“bombes sionistes”), ou la guerre au Moyen-Orient (“guerre sioniste”).
Dans certaines sphères politiques, le terme “sioniste” est utilisé pour véhiculer les poncifs antisémites classiques du 20ème siècle. Ce ne sont plus les Juif.ves qui sont accusé·es de dominer le monde, mais les "sionistes".
Enfin, des listes de "sionistes" circulent sur Instagram.
Cette ambiguïté sur la signification du mot "sioniste", son utilisation excessive dans les discours politiques et les slogans, et le fait qu’il soit rarement défini sont vécus comme dangereux par les Juif.ves. Ces discours ambigus nourrissent des amalgames. Ainsi, selon une étude de l’IFOP (2024), 35% des Français·es de 18-24 ans estiment qu’il est légitime de s’en prendre à une personne juive en raison de son soutien supposé ou réel au gouvernement israélien.
S’il est légitime de dénoncer la politique actuelle du gouvernement d'extrême droite en Israël, qui anéantit des vies et détruit les perspectives de paix, nous constatons également une instrumentalisation de cette critique contre les Juif·ve·s français·e·s. C'est pourquoi nous soutenons l'expression des critiques contre cette politique, tout en demandant aux élu·e·s de faire preuve de vigilance et de responsabilité dans leurs prises de parole, en public comme sur les réseaux sociaux, afin de ne pas nourrir les tensions ni alimenter des amalgames qui affectent les Juif·ve·s. Il n'est pas normal que notre sécurité dépende de la situation au Moyen-Orient.
C'est ainsi dans un esprit d'apaisement que nous faisons nos suggestions pour renforcer les efforts déjà amorcés. Bien que nous n'ayons pas la prétention d'analyser parfaitement les intentions ou les conséquences de ces discours, nous sommes convaincus que les engagements que nous proposons contribueront à calmer les tensions et à redonner un climat de sécurité et de sérénité pour les Juif.ves en France.
Nous demandons aux individus et aux groupes politiques de prendre les engagements suivants :
Faire preuve de vigilance dans le vocabulaire
Clarifier l’ambivalence des termes “sionistes” / “antisionistes” : Éviter au maximum d'utiliser les mots "sioniste" ou "antisioniste" dans les prises de parole publiques. Si leur utilisation est nécessaire, préciser systématiquement la définition employée pour éviter toute confusion. Reconnaître que le terme "sioniste" est souvent utilisé par des groupes antisémites pour véhiculer des théories du complot, notamment celles insinuant une domination mondiale par les Juif.ves, et qu'il nourrit des amalgames entre les Juif.ves et les actions d’Israël, contribuant ainsi à un climat d’hostilité. Cette utilisation est d’autant plus ambiguë, que le NFP soutient dans son programme une solution à deux États pour une paix durable au Moyen-Orient.
S'informer et éliminer l'utilisation de “dog whistles” : S'informer sur les termes codés ou indirects qui véhiculent des idées antisémites (aussi appelés “dog whistles”), même de manière inconsciente. Ne plus utiliser ces termes une fois leur ambiguïté et leur potentiel offensant compris.
Reconnaître le Hamas comme étant une organisation antisémite : Reconnaître que la charte du Hamas de 1988 est antisémite, théocratique, et obscurantiste et effectuer une clarification systématique de qui est désigné lorsque l’on parle de “Résistance Palestinienne” pour éviter toute ambiguïté.
Refuser la mise en concurrence des luttes
Promouvoir la complémentarité des luttes : Ne pas opposer la lutte contre l’antisémitisme à celle contre l’islamophobie ou au soutien au peuple palestinien. Reconnaître que ces combats doivent être complémentaires et non concurrents.
Respecter la singularité des mémoires : La mémoire n'est pas un jeu à somme nulle. Ne mettons pas en concurrence les dizaine de milliers de civils palestiniens tués par l'armée israélienne et la mémoire de la Shoah. Ce sont deux événements singuliers avec des dynamiques qui leur sont propres et qui doivent être respectés dans leur singularité.
Lutter contre l’antisémitisme d’où qu’il vienne
Refuser la minimisation de l'antisémitisme : Ne pas minimiser ou nier l’importance des faits antisémites. Comme pour toute autre lutte progressiste, prendre au sérieux les accusations et écouter attentivement le ressenti des victimes d'antisémitisme.
En finir avec la rhétorique du "rayon paralysant" : Ne pas faire de procès d’intention en laissant entendre que toute accusation d’antisémitisme qui serait faite à la gauche cacherait des motivations politiques cachées (théorie dite du “rayon paralysant”). Traiter les accusations de manière indépendante et objective.
Dénoncer l’antisémitisme d’où qu’il vienne : La gauche n'est pas exempte d'oppressions. Il faut dénoncer l’antisémitisme quelle que soit sa provenance, y compris de la gauche, ou des groupes progressistes. Abandonner la lutte contre l'antisémitisme, sous prétexte que l'antisémitisme est instrumentalisé par les partis réactionnaires, affaiblit la gauche et la rend vulnérable aux attaques des autres partis.
Combattre les préjugés et les accusations infondées
Rejeter le trope de “double allégeance” et la “chasse aux sionistes" : Ne pas accuser les politicien·ne·s juif·ve·s français·e·s de loyauté partagée entre la France et Israël, ni les citoyen.ne.s juif·ve·s français·e·s de responsabilités imaginaires dans les actions du gouvernement israélien. Juger les individus sur leurs actions, non sur des intentions présumées.
Respecter les groupes politiques juifs : Ne pas considérer que le fait de lutter contre l'antisémitisme ou de soutenir l'existence de l'État d'Israël implique d’être d'extrême droite ou d’être responsable des actions du gouvernement israélien.
Vérifier et présenter exhaustivement les informations avant de les diffuser : Ne pas propager des informations non-vérifiées ou des fausses nouvelles (“fake news”). S'assurer de présenter une image complète des faits, sans sélectionner uniquement ceux qui soutiennent un point de vue particulier.
Nous suggérons aux membres des groupes politiques d’adopter les engagements suivants :
Encourager le dialogue intercommunautaire : Il faut créer des ponts et non des murs. Soutenir et financer des initiatives visant à encourager le dialogue entre différentes communautés. Organiser des événements et des forums de discussion pour promouvoir la compréhension mutuelle et la cohésion sociale.
Défendre un plan de lutte contre l’antisémitisme : Défendre avec vigueur un plan de lutte contre l'antisémitisme avec des fonds, prioritairement au sein des écoles et des universités, pour éduquer les jeunes générations à la question de l’antisémitisme, aux formes qu’il prend et aux ravages qu’il cause. Ce programme doit s'inscrire dans une démarche globale de sensibilisation aux questions de diversité et de discrimination.
Prendre des mesures vis-à-vis de celleux qui profèrent des propos antisémites : Exercer une vigilance rigoureuse à l'égard des candidat·e·s, élu·e·s, groupes, et collectifs qui tiennent des propos antisémites, en condamnant fermement de telles sorties et en prenant des mesures appropriées contre celleux qui les émettent.
Suivre une formation dédiée contre l’antisémitisme : Chaque groupe parlementaire s'engage à suivre une formation dédiée à la lutte contre l'antisémitisme et à l'identification de ses manifestations.
Mettre en place une formation pour l'administration : Soutenir la mise en place d'un programme de formation pour l'administration, les forces de l'ordre et les agents du service public judiciaire afin de garantir une réponse appropriée et éclairée face à l'antisémitisme.
Augmenter la veille contre les discours de haine et “fake news” sur les réseaux sociaux : Mettre en place une équipe dédiée pour suivre et examiner les contenus en ligne, collaborer avec les plateformes pour signaler et retirer les contenus haineux ou trompeurs, lancer des campagnes de sensibilisation pour éduquer le public, renforcer les sanctions contre les diffuseurs de haine et de fausses informations, et publier des rapports réguliers sur l'état des discours de haine et des "fake news".
Nous reconnaissons les efforts déjà réalisés par le NFP et saluons les différentes chartes contre l'antisémitisme proposées par ses partis membres. En y ajoutant ces engagements concrets, nous espérons non seulement renforcer la lutte contre l'antisémitisme, mais aussi restaurer la confiance. Nous avons l'espoir que ces actions essentielles fédéreront nos forces et bâtiront une société plus solidaire et résolument contre toutes les formes de racisme et de discrimination.